Pourquoi le « made in Cameroon » est absent dans certaines villes

Christian Happi News 19.09.2016

Des problèmes non seulement logistiques mais aussi financier, les enjeux et choix stratégiques de l’entreprise… Plusieurs raisons peuvent étayer cette situation.

C’est une chose assez bien connue, les produits des entreprises, en particulier  ceux des PME   ne sont pas  toujours présents sur l'ensemble du territoire national.
Plusieurs raisons peuvent étayer cette situation :
  • des problèmes non seulement logistiques 
  • mais aussi financier, 
  • les enjeux 
  • et choix stratégiques de l’entreprise…   
En fait, une société peut privilégier son cœur de marché au détriment du reste du marché (consolider sa position sur son marché principale d’abord) - une entreprise qui utilise pleinement sa capacité de production.
« Si son cœur de marché est concentré sur les grandes métropoles que sont Douala et Yaoundé par exemple, elle choisira de satisfaire d’abord la demande venant de son cœur de marché avant de s’attaquer au reste du pays. Car chaque fois qu’elle vendra loin de ces deux métropoles, cette vente lui coûtera plus cher », analyse Francis Mbongue, Professionnel du marketing.
 
 De même que l’entreprise peut faire un choix clair de ne saisir qu’une partie de l’opportunité dans son marché, ce qui influence aussi sa capacité de production et de distribution, elle peut  aussi optimiser ces revenus selon les observateurs du marché.  Et de ce fait ne concentre ses efforts que sur les sous marchés les plus porteurs.

Si vendre ces produits à Kyossi lui rapport des marges plus intéressantes que le vendre à Douala par exemple, elle vendra à Kyossi d’abord et ensuite à Douala, s’il lui reste des produits. Martial Bella,  Administrateur-délégué de GIC Bellomar, PME  qui développe des savons, détergents, javel, gel de douche,  ne commercialise la marque « Le Samouraï » qu’à Douala et Yaoundé à cause  de sa faible capacité de production  et financière.

C’est la même situation pour Jean Aimé Wokhui,  promoteur  de Biocharis SARL, fabrique de caramels de cacao au miel. Il est obligé de limiter son circuit de distribution  à 40% dans la capitale économique pourtant  il a tout ce qu’il faut pour y parvenir : un bon produit, une équipe pour produire et une pour vendre, un bon service et un site web.

Les autres raisons évoquées par les  professionnels du marketing pour justifier  l’absence  du made in Cameroon dans certaines villes du pays sont entre autres, des raisons stratégiques, peut-être liées à une source d’approvisionnement de matières premières.  Mais comment comprendre que des entreprises qui ne font aucun de ces choix stratégiques, produisent suffisamment mais leur produit ne se retrouve toujours pas dans les 4 points du pays. Francis Mbongue confie que la distribution a un coût c’est pourquoi,  certaines entreprises qui souhaitent voir leurs produits partout, choisissent de  la subventionner  alors que d’autres refusent d’absorber ces coûts et préfèrent laisser jouer la loi du marché.
« Chaque fois qu’un produit parcourt un km, son coût de revient augmente. Et plus il s’éloigne de son site de production, plus ce coût augmente. Ce produit va arriver dans certains sous-marchés à un prix prohibitif pour les consommateurs potentiels de ce marché. Et donc naturellement, il ne se vendra pas dans ce sous marché et disparaîtra des étals s’il y est arrivé »,  analyse  l’expert  en marketing. En somme, les marges des entreprises sont plus intéressantes, lorsqu’elles écoulent leur production à proximité de leurs sites de production. De plus le coût de la distribution est relativement bas à Douala et à Yaoundé ou existe quand même une infrastructure routière de meilleure qualité que dans les autres régions du pays.


Conséquences
 

Un chiffre d’affaires au rabais

 
La rareté d’un produit dans les zones reculées  impacte sur les états financiers d’une société et ouvre par ailleurs  la voie royale aux contrefacteurs.
 
Lorsqu’une société  n’arrive pas  à distribuer ces produits sur l’ensemble du territoire national, cela entraîne des conséquences. Pour l’entreprise,  les spécialistes du marketing s’accordent à dire que, une des conséquences est qu’elle laisse un espace pour un ou plusieurs concurrents, qui ce seraient probablement installés dans son segment du marché même si l’entreprise avait couvert tout le marché.  
Une autre conséquence, explique Francis Mbongue, Professionnel du marketing  est qu’en concentrant ses efforts de distribution sur ses sous-marchés les plus profitables, l’entreprise se fait une meilleure marge nette à l’unité.
 
La nature ayant horreur du vide, l’absence d’un produit  sur le marché ou dans une zone précise ouvre la voie à la contrefaçon,  à l’entrée frauduleuse de certaines marchandises au pays et limite le chiffre d’affaires d’un entrepreneur.  

Preuve de cette assertion, l’économie camerounaise perd chaque année plus de 255 milliards de FCFA  à cause des activités liées à la contrebande, à la contrefaçon et au commerce illicite. Soit, 70 milliards de FCFA de recettes fiscales seraient compromises annuellement et 185 milliards de FCFA selon  un rapport présenté il y a moins de deux ans, la Chambre de commerce, de l’industrie, des mines et de l’artisanat (CCIMA).


Au sujet de l’agro-alimentaire, une entreprise opérant dans la transformation des produits chocolatiers a attaqué tout récemment en justice certains faussaires.  Elle se plaignait  du fait que beaucoup de leurs produits soient contrefaits et vendus sur le marché aux clients pas toujours bien renseignés.

Une autre conséquence est qu’en concentrant ses efforts de distribution sur ses sous-marchés les plus profitables, l’entreprise se fait une meilleure marge nette à l’unité.  Du côté du consommateur,  la rareté d’un produit dans les zones reculées lui cause  d’énormes préjudices. Il ne pourra accéder au produit de cette entreprise à moins d’être prêt à payer le prix qu’il faut pour jouir de ce produit. « Comment fonctionne un contrefacteur ? Il contrefait et vend dans une région un produit  qui n’est pas présent. Le consommateur lambda l’achète sans  forcément savoir s’il est d’origine ou contrefait », affirme le responsable marketing d’une PME établie à Douala.